Déclaration paradoxale aux vues de l’immense fresque historique sur laquelle se déroule la trame narrative. » Jules Barbey d'Aurevilly, dans Le Constitutionnel du 29 novembre, faisait lui aussi le rapprochement entre Flaubert et Courbet, et, pour ce qui est du point de vue politique sur 1848 dans le roman, écrivait : « Je sais et je sens que l'auteur de L'Éducation sentimentale est un matérialiste et que le matérialisme doit nécessairement engendrer de certaines opinions politiques et non d'autres22. », 26On trouve des remarques très similaires dans l'écrit de Louis Blanc, qui souligne l'état de terreur dans lequel se trouvait l'opinion publique bourgeoisie à Paris pendant les jours qui précédèrent le combat et dans les jours qui les suivirent : « Un moment Paris appartint à des fous furieux41. À la veille de juin, Frédéric, en se trouvant par hasard parmi des gardes nationaux, entend l'un d'entre eux affirmer : « ça ne peut pas durer ! [...] J'en ai feuilleté quelques pages : c'est assommant de bêtise. rien ne peut donner l'idée du vomissement que m'inspire ce vieux melon diplomatique, arrondissant sa bêtise sur le fumier de la Bourgeoisie ! 42 Hippolyte Castille, op. 4Certes, on ne doit pas trop généraliser : le choix des sources dépend des différents contextes historiques et sociaux, aussi bien que des différents moyens de propagation des idées. CROUZET Michel, « L’Éducation sentimentale et le genre historique », Histoire et langage dans « L’Éducation sentimentale » de Flaubert, Paris, CDU-SEDES, 1981, p. 77-110. 7On a beaucoup insisté — et pour cause — sur l'attitude anti-politique de Flaubert : l'art « engagé », plus que tout le reste, le dégoûtait. Tous ces matériaux — carnets de travail, brouillons, scénarios, notes documentaires — qui constituent ce qu'on appelle « l'avant-texte » du roman, dans le cas de L'Éducation sentimentale ont largement survécu, même si, malheureusement, pas dans leur intégralité. Voulait-on donc laisser grandir l'émeute pour anéantir d'un seul coup les travailleurs insurgés ?38 » Au mois d'avril, déjà, les réactionnaires « découvrirent cette fameuse trinité nouvelle, destinée à remplacer la formule : liberté, égalité, fraternité. L'Éducation sentimentale. 21Si Flaubert, au sujet de la révolution de février, renverse dans son roman des lieux communs que les mémorialistes de l'époque proposaient d'une façon presque unanime, il faut remarquer que le soulèvement des ouvriers au mois de juin partageait cette même historiographie en deux champs nettement opposés. » Lui aussi dénonce la diffusion de mensonges par la presse réactionnaire : « Le bruit courait que la République était menacée ; que l'or de l'étranger fomentait ces troubles ; qu'une quantité de forçats occupaient les barricades ; que le pillage et l'incendie seraient les inévitables conséquences de leur succès. 6Cette remarque nous amène très directement à un autre problème : il est assez rare, à vrai dire, que les textes littéraires que nous considérons aujourd'hui comme des chefs-d'œuvre, c'est-à-dire ceux qui ont eu la chance d'être retenus par la tradition et la critique culturelle et littéraire, aient joué un rôle central dans la formation de la pensée sociale et politique au moment de leur première publication. 5 Lettre à Louise Colet, 30 août 1846 ; Gustave Flaubert, Correspondance, Gallimard, « La Pléiade », Paris, 1973-2007, t. I, p. 320-321. Les attaques qu'on lui portait parurent du sacrilège, presque de l'anthropophagie » ; et cela, souligne l'écrivain, « malgré la législation la plus humaine qui fut jamais46 » : singulière appréciation que celle-ci, par quelqu'un comme Flaubert, qui affichait son mépris à l'égard de toute forme de gouvernement. » (Première Éducation sentimentale, Éd. De 1840 au soir du coup d'Etat de 1851, il fait l'apprentissage du monde dans une société en pleine convulsion. Pour beaucoup, d'ailleurs, accoutumés à des travaux délicats, l'agriculture semblait un avilissement ; c'était un leurre enfin, une dérision, le déni formel de toutes les promesses. Mais c'est plus fort que moi ! 21 Voir le texte complet du réquisitoire en ligne : http://flaubert.univ-rouen.fr/oeuvres/mb_pinard.php. Il en donne une synthèse dans la lettre à George Sand du 5 juillet 1868 : « Les patriotes ne me pardonneront pas ce livre, ni les réactionnaires non plus ! Par contre, il montre le banquier Dambreuse, qui avait hypocritement adhéré à la république après février, bien soulagé par la nouvelle de l'expulsion de Paris des ouvriers : « Bon voyage ! - 60 citations - Référence citations - (Page 1 sur un total de 3 pages) Citations L'Education sentimentale (1869) Sélection de 60 citations et proverbes sur le thème L'Education sentimentale (1869) Découvrez un dicton, une parole, un bon mot, un proverbe, une citation ou phrase L'Education sentimentale (1869) issus de livres, discours ou entretiens. 1978) ; John Greville Agard Pocock, Le Moment machiavélien, Presses Universitaires de France, Paris, 1998 (éd. Dans ce cadre, l'historien ne doit pas faire référence aux seuls ouvrages ouvertement « politiques » au sens technique du mot ; il lui faudra partir en quête du « politique » dans la totalité du débat culturel qui caractérisa l'époque qu'il souhaite étudier. Stendhal, 1 L’Éducation sentimentale s’ancre dans le XIX e siècle des ruptures et des changements politiques, dans lequel Frédéric Moreau tente de trouver une place. 8Pourtant, paradoxalement peut-être, Flaubert dans son œuvre fut obsédé par la politique : non seulement L'Éducation sentimentale, mais aussi d'autres romans de lui, tels que Madame Bovary et, surtout, Bouvard et Pécuchet, regorgent littéralement de politique. Avec un mot de plus ou de moins, on peut donner le coup de fouet sans blessure, quand la main est douce dans la force. 18Dans son souci de réalisme, Flaubert avait l'habitude de se documenter soigneusement sur les sujets qu'il traitait avant d'écrire ; et il prenait un grand nombre de notes de travail et de notes documentaires. 3 Voir Meaning and Context: Quentin Skinner and his Critics, ed. Pourrait-on, pour une fois, défendre le cas de Frédéric Moreau, l'anti-héros du roman de Flaubert "L'éducation sentimentale". ----- L’Education Sentimentale Gustave Flaubert 1 La roman d’apprentissage au XIXe siècle L’Education Sentimentale de Gustave Flaubert se situe, au niveau du contexte historique, à la fin de la monarchie de Louis-Philippe Bonaparte, au moment de la Révolution de 1848. Finalement, il apparaît que le roman de Flaubert a donné une contribution importante à la diffusion d'une interprétation « anti-bourgeoise » des événements politiques qui conduisirent à la fin de la Seconde République et à la naissance du Second Empire. 28 Louis-Antoine Garnier-Pagès, Histoire de la Révolution de 1848, Degorce-Cadot, Paris, 1868, t. I, p. 174. » Plus loin dans le texte, Flaubert présente la dissolution des ateliers nationaux, prologue à l'insurrection, de cette façon : Ne sachant comment nourrir les cent trente mille hommes des ateliers nationaux, le ministre des Travaux publics avait […] signé un arrêté qui invitait tous les citoyens entre dix-huit et vingt ans à prendre du service comme soldats, ou bien à partir vers les provinces, pour y remuer la terre. Alors que Flaubert rédige la première partie de L’Éducation sentimentale en 1864, il annonce dans une lettre à Mlle Leroyer de Chantepie ses intentions plus vastes pour son projet romanesque : « Me voilà maintenant attelé depuis un mois à mon roman de mœurs modernes qui se passera à Paris. Non ! Le cas de Proudhon est assez emblématique : en 1852, à la publication du livre de celui-ci La Révolution sociale démontrée par le coup d'État du 2 décembre, où il justifiait le coup d'État de Louis Napoléon comme une étape nécessaire vers le socialisme, les républicains furent scandalisés. Flaubert ne s’est jamais caché d’avoir voulu écrire un « livre sur rien ». Au contraire, il utilisa des récits qui étaient liés à une interprétation « de gauche » de ces événements ; cela faisant, il fit sienne — d'une façon plus ou moins consciente — cette interprétation, et, avec son roman, la véhicula ultérieurement. Voilà surtout ce qui tuera l'œuvre de M. Gustave Flaubert. Voir la lettre à George Sand du 6 février 1867 (ibid., p. 603) : « Je vous renvoie la page de ce bon Barbès, dont je connais la vraie biographie, fort imparfaitement. Mais tout change en 1865, quand Flaubert a commencé à lire, entre autres, les essais de Proudhon pour préparer L'Éducation sentimentale : dans une lettre à Amélie Bosquet, le 2 août, il qualifie le penseur socialiste de « Pignouf »14; après quelques jours, s'adressant aux frères Goncourt, il précisera encore mieux son opinion, en définissant l'écrit de Proudhon Du principe de l'art et de sa destination sociale, publié en 1865 après la mort de l'écrivain, « le maximum de la Pignouferie socialiste »15. Voir aussi, à ce sujet, Yves Charbití, « Proudhon et le piège malthusien », Cahiers internationaux de sociologie, n° 1, 2004, p. 5-33. Spera ! Et quand on arrive au Deux-Décembre, on ne peut s'empêcher de penser à cette génération sans caractère, sans idéal, sans volonté, sans moralité, que l'auteur vous a montrée : on voit alors comment cette chose invraisemblable, - le silence devant une violation avouée de tous les droits, - a été possible en France24. Gustave Flaubert est un grand chercheur, et ses tentatives sont de celles qui soulèvent de vives discussions dans le public, parce qu'elles étendent et font reculer devant elles les limites de la convention. Pour saisir l'état exact du débat culturel et les mots-clés du langage qui était répandu en France en 1835, même au point de vue politique, l'historien devrait donc étudier ces deux ouvrages fondamentaux ; mais il devrait aussi bien être conscient du fait que, dans la même période, il y avait d'autres textes, presque oubliés aujourd'hui, et qui connurent pourtant une diffusion encore plus large à l'époque : pensons aux romans-vaudevilles de Paul de Kock, qui était alors l'écrivain le plus populaire (en 1835 sortit des presses, entre autres, son roman Ni jamais, ni toujours), ou bien aux Mémoires de Pierre-François Lacenaire, le poète-assassin qui fut exécuté en 1836. [...] Une des premières études auxquelles je me livrerai à mon retour sera certainement celle de toutes ces déplorables utopies qui agitent notre société et menacent de la couvrir de ruines”11. Voir Karl Marx, La Lutte des classes en France : 1848-1850. », 15L'équidistance entre le champ des bourgeois et celui des socialistes et démocrates dans L'Éducation sentimentale, pourtant, bien que recherchée par Flaubert, fut loin d'être évidente à ses contemporains, lorsqu'ils lurent le livre à la fin de 1869. Voyons, par exemple, ce passage d'une lettre qu'il écrivit en 1846, où, en parlant de James Pradier, surnommé Phidias en référence au légendaire sculpteur de la Grèce classique, c'est au prototype même de l'artiste qu'il songeait : « Un homme qui ne se préoccupe de rien, ni de la politique, ni du socialisme, ni de Fourier, ni des jésuites, ni de l'Université et qui comme le bon ouvrier, les bras retroussés, est là à faire sa tâche du matin au soir avec l'envie de la bien faire et l'amour de son art. PREMIERE PARTIE Chapitre Premier. Revenu à son foyer familial avec l'âme en paix, en y trouvant sa fille Louise bouleversée il éprouvera une forte émotion. Les historiens démocrates et socialistes soulignaient les responsabilités de l'Assemblée, et notamment des royalistes, qui avaient enflammé les âmes des prolétaires en décrétant la dissolution des ateliers nationaux ; les historiens conservateurs — qu'ils fussent royalistes ou bonapartistes —, au contraire, attribuaient la responsabilité des massacres à l'influence exercée auprès du peuple par les funestes utopies des socialistes. » Alors que, en réalité, la conduite des ouvriers aurait été des plus responsables : « Pendant que l'on parlait ainsi des ateliers nationaux, ils envoyaient incessamment au ministère des travaux publics des députations qui apportaient les propositions les plus justes et les plus raisonnables35. Dans ce domaine, à ma connaissance, aucune sérieuse tentative d'analyser le roman flaubertien en tant que texte politique, c'est-à-dire en le plaçant dans son contexte idéologique d'origine, n'a été faite. Voir Quentin Skinner, Les Fondements de la pensée politique moderne, Albin Michel, Paris, 2009 (éd. Le jugement sur Thiers est encore plus net dans la lettre à George Sand du 18 décembre 1867 (ibid., p. 711) : « rugissons contre M. Thiers ! 46 Gustave Flaubert, L'Éducation sentimentale, op. 34 Daniel Stern, Histoire de la Révolution de 1848, deuxième édition, Charpentier, Paris, 1862, t. II, p. 357. Il m'écrase. Université. Dans cet article, le roman flaubertien L'Éducation sentimentale est pris en compte en tant que texte politique, par rapport au contexte idéologique où son écriture eut lieu. Dans une lettre à George Sand, en 1873, il résumera son attitude politique en se définissant « une vieille ganache romantique et libérale »6. Une image dans laquelle ce régime aurait cessé d'exister, au vrai sens du mot, bien avant le coup d'état de 1851 ; la république aurait succombé en juin 1848, quand les bourgeois et les réactionnaires massacrèrent les ouvriers, qui s'étaient insurgés pour de justes raisons. 49 Gustave Flaubert, L'Éducation sentimentale, op. Biographie courte de Gustave Flaubert - Gustave Flaubert voit le jour le 12 décembre 1821, à Rouen.Il mène une enfance tranquille près d'un père chirurgien en chef à l'hôtel-Dieu de Rouen.Sa jeunesse est marquée par sa rencontre avec Mme Schlésinger, dont il fait mention dans son roman l'Education sentimentale (1869). S'ils restaient, on emploierait la force ; ils n'en doutaient pas et se disposaient à la prévenir50. 23Ces sources sont très concordantes dans l'indication des responsabilités de l'émeute de juin et des massacres qui s’ensuivirent : Castille, par exemple, affirme que l'Assemblée avait été capable, à cette occasion, « de laisser la Garde Nationale furieuse se baigner dans le sang des vaincus »31; le combat, suivant son opinion, s'était engagé à cause de « l'habileté des dynastiques », de « l'audace du parti jésuite » et de « la couardise du pouvoir exécutif »32. cit., p. 327. Si l'on choisit pour sujet d'étude, comme c’est mon cas, la France du XIXesiècle, toutefois, il est essentiel d'inclure parmi les sources à analyser les textes littéraires, et surtout certains parmi les romans de l'école du réalisme, qui, dans le but de reconstruire la réalité dans toute sa complexité, s'intéressèrent de près aux aspects politiques de leur époque. Flaubert a choisi de le faire d'une façon elliptique, car le héros du roman, Frédéric Moreau, pendant les jours de l'émeute quitte Paris pour se rendre à Fontainebleau avec sa maîtresse Rosanette. 10Or, quel était le sentiment de Flaubert, qui en 1848 était âgé de 27 ans, à l'égard de tout ce qui se passait dans cette année mémorable ? En effet, en février 1848 le mécontentement monte contre la monarchie de Louis-Philippe Bonaparte. Pour se documenter à ce sujet, en effet, Flaubert utilisa principalement quatre récits historiques, qui relèvent tous d'une interprétation « gauchiste » des événements : ceux de Hippolyte Castille, Daniel Stern, Marc Caussidière et Louis Blanc. 38 Marc Caussidière, Mémoires de Caussidière, ex-préfet de police et représentant du peuple, troisième édition, Michel Lévy Frères, Paris, 1849, t. II, p. 222. disciplines. Carnets de notes. Tu as raison ! Aucune proclamation n'avait été affichée pour calmer le Peuple. 1848, en particulier, le hantait : car la génération des quarante-huitards, c'était sa génération. je n'ai mis qu'une journée à lire ce livre qui a coûté à … Le compte rendu du livre s'achevait sur ces mots : « Mais ce qui est moins drôle encore, ce sont les fréquentes excursions de l'auteur dans le domaine de la politique. 22Voyons, donc, quelles étaient les sources choisies par l'écrivain normand pour l'épisode du roman qui se passe pendant les journées de juin : je limiterai mon analyse aux ouvrages dont on peut prouver l'utilisation de la part de Flaubert, car on les trouve cités dans ses notes de travail. 1La dimension politique de L'Éducation sentimentale de Gustave Flaubert a été assez souvent affirmée et explorée par l'histoire littéraire1 ; la même chose toutefois, et bien que cela puisse paraître étonnant, n'est pas arrivée dans l'histoire des idées politiques. Le déclin historique de la bourgeoisie. by J. Tully, Princeton University Press, Princeton, 1989; voir également, en français, Quentin Skinner, La Vérité et l'Historien, Éditions de l'École des Hautes Études en Sciences Sociales, Paris, 2012. […] Les prostituées, comme la France, ont toujours un faible pour les vieux farceurs. 9Après la révolution qui, au mois de février 1848, chassa Louis-Philippe et établit la République, les mots-clés autour desquels se confrontaient les partis étaient d'ordre politique — le suffrage universel — et d'ordre social — le droit au travail, un travail dont on réclamait l'« organisation », afin de soustraire les ouvriers au joug des patrons et de limiter l'influence des économistes « malthusiens », comme furent nommés à l'époque les adeptes du laissez-faire7. [...] Il y a là-dedans des mines de comique immenses, des Californies de grotesque. Dans la cinquième partie, je hasarderai quelques considérations finales. cit., t. I, p. 492-493. Some excerpts from these books are compared to some excerpts from L'Éducation sentimentale, in order to find the similarities between these texts. Pour cerner la première, il faudrait retracer, comme le recommande Quentin Skinner, les « intentions » de son auteur. 30À l'exception, bien entendu, de la référence ironique aux « travaux délicats » des ouvriers, dans ce passage du texte Flaubert synthétise l'interprétation donnée à l'émeute par les historiens « démoc-soc » qui étaient ses sources. Dans la deuxième partie, je m'interrogerai au sujet de l'attitude politique de Flaubert ; dans la troisième, j'analyserai les sources qu'il utilise pour la composition de L'Éducation sentimentale, en les confrontant, dans la quatrième partie, à quelques extraits choisis du texte flaubertien. DEBRAY-GENETTE Raymonde, « Lettre à Jules Duplan : la pot-bouille et l’ensouple », L’Œuvre de l’œuvre, éd. Celles que leur position rendait plus importantes étaient à l'épreuve du canon. Pour une plus ample bibliographie, je me permets de renvoyer à Fausto Proietti, « L'Éducation sentimentale di Gustave Flaubert come testo politico », Storia e Politica, n° 3, septembre-décembre 2012, p. 453-473. 24Stern, quant à elle, raconte certaines des calomnies diffusées par la presse royaliste au sujet des insurgés : on disait qu'ils étaient presque tous des forçats, « comparables à tout ce que les bagnes vomissent de plus abject », qui « attendent en frémissant le signal du meurtre, de l'incendie, du pillage34. C'est à ce titre que je m'empare de l'Education sentimentale, de Gustave Flaubert, ce livre jeté entre deux orages politiques : les élections d'hier et les séances législatives de demain. S'il est vrai que la première partie du grand ouvrage de Tocqueville, La Démocratie en Amérique, connut cette année-là un succès auprès du public tout à fait extraordinaire pour un texte politique — trois éditions pour un total de 2000 exemplaires diffusés —4, il faut néanmoins souligner que la même année Le Père Goriot, un des chefs-d'œuvre de Balzac, fut publié en deux éditions pour un total de 2200 exemplaires diffusés, et cela sans compter les tirages, bien évidemment encore plus importants, de la Revue de Paris, où ce roman fut l’objet d’une prépublication sous forme de feuilleton. Des extraits de ces textes sont confrontés à certains passages de L'Éducation sentimentale, afin de vérifier les similitudes qui existent entre ces descriptions. CONTEXTE Fruit de trois essais de jeunesse de Flaubert (écrits en 1842 et 1845) le roman définitif, rédigé à partir de 1864 sera achevé en 1869. 26 Alberto Cento, Il Realismo documentario nell'Éducation sentimentale, Liguori, Naples, 1967. ». Il arrive souvent que d'autres textes, plus populaires — et pour ce qui est du XIXe siècle, par exemple, les chansons populaires, les pièces de théâtre, etc. Après s'être rendu à Paris le 26 juin — c'est-à-dire au moment où désormais l'émeute avait été écrasée par les troupes du général Cavaignac — avec les gardes nationaux de Nogent-sur-Seine, ce prototype du héros-bourgeois de juin 48 avait tiré un coup de fusil sur un prisonnier qui demandait du pain, en le tuant. Cette alternative les indigna, persuadés qu'on voulait détruire la République. Pourquoi cela ? Les pages légères de Madame Bovary tombent en des mains plus légères, dans des mains de jeunes filles, quelquefois de femmes mariées21. 44 Marc Caussidière, op. », 16De l'autre côté, ce furent presque seulement les critiques de l'école socialiste et républicaine qui louèrent L'Éducation sentimentale, à commencer par George Sand (La Liberté, 21 décembre), selon laquelle le roman aurait prouvé que « cet état social est arrivé à sa décomposition et qu'il faudra le changer très radicalement23. L’Education sentimentale est un roman que j’ai lu l’année dernière, et je dois dire que j’ai beaucoup, beaucoup plus aimé que Madame Bovary.Je vais tâcher de le défendre, d’après mes souvenirs qui ne sont plus si récents. Une dose quotidienne de culture et de savoirs. FLAUBERT, L’EDUCATION SENTIMENTALE , 1869 I- Un peu d’Histoire … Flaubert a déclaré lui-même : « L’Education est une chronique de 1848 » ou encore « Je veux faire l’histoire morale de ma génération ». Il est devenu assez rare, de nos jours, de rencontrer une narration historique dans ce domaine qui soit bâtie à partir d'une simple liste chronologique de « grands auteurs », de Platon à Marx, de Machiavel à Hegel. Jean-Jacques Rousseau, né le 28 juin 1712 à Genève et mort le 2 juillet 1778 à Ermenonville, est un écrivain, philosophe et musicien genevois francophone.Orphelin de mère très jeune, sa vie est marquée par l'errance. 1 Voir, parmi les études plus récentes : Dolf Oehler, Le Spleen contre l'oubli, juin 1848. Et il continue : « La France, ne sentant plus de maître, se mit à crier d'effarement, comme un aveugle sans bâton, comme un marmot qui a perdu sa bonne47. cit., p. 72-73. Tant pis ; j'écris les choses comme je les sens, c'est-à dire comme je crois qu'elles existent19. L'existence loin de la capitale les affligeait comme un exil ; ils se voyaient mourant par les fièvres, dans des régions farouches. In fact, in order to support his description, Flaubert uses mainly four historical accounts, those written by the “leftist” historians Hippolyte Castille, Daniel Stern, Marc Caussidière and Louis Blanc. Néanmoins, l'écrivain parsème son texte de références à la montée de la réaction bourgeoise après la révolution de février ; je me bornerai ici à rappeler celles qui sont, à mon avis, les plus saillantes. Crénelées, ouvertes pour la sortie, fermées à l'assaillant, la plupart des barricades s'élevaient jusqu'au premier étage des maisons, quelques-unes jusqu'au second. De plus, normalement les textes littéraires ne se limitent pas à explorer les lieux communs du débat politique contemporain : ils contribuent puissamment à les construire et à les répandre dans la société, grâce à l'ampleur de leur diffusion, qui est d'ordinaire infiniment plus grande que celle des textes qu'on pourrait qualifier de politiques au sens strict du terme (textes philosophiques, juridiques, etc.). A travers ce mémoire, on va faire tout d’abord une présentation de L’Éducation Sentimentale, ensuite, on va analyser complètement les images du héros. L'Éducation sentimentale. 41 Louis Blanc, Pages d'histoire de la Révolution de février 1848, Au bureau du Nouveau Monde, Paris, 1850, p. 185. Carnet n° 2: idées diverses (« Notes générales, lectures, etc., octobre 1859 »), pour Bouvard et Pécuchet, L’Éducation sentimentale. 12Le jugement très négatif de la part de Flaubert sur les différentes écoles du socialisme français ne changera jamais vraiment, même s'il ne se posera la question de lire et étudier effectivement les textes des socialistes qu'au début des années 1860, quand il commencera à se documenter pour L'Éducation sentimentale, qui sera publiée en 1869. » Dans une autre lettre, à Ernest Feydeau cette fois-ci, Flaubert, en 1859, exprimait son admiration pour un aphorisme misogyne de Proudhon (« La femme est la désolation du juste »), qu'il arrivait à qualifier de « pensée de Génie »13. J'aurai (dans le second chapitre de ma 3e partie) un dîner où on exaltera son livre sur la Propriété ». In this paper, Flaubert's novel L'Éducation sentimentale is analyzed as a political text, and placed in its ideological context. Matière. Ces interprétations étaient antinomiques ; il fallait donc à Flaubert en choisir une seule pour son roman. 13 Lettre du 11 janvier 1859 ; ibid., t. III, p. 4. [...] La boucherie d'hommes se continua après la victoire », alors que le peuple se battait « seulement pour avoir la réalité d'une République démocratique et sociale40. En 1959, alors qu’est créé le ministère de la Culture sous la houlette du romancier gaulliste André Malraux, l’éducation populaire reste au sein de Jeunesse et sports : le nouveau ministère n’a pas pour mission l’émancipation du peuple, mais la création artistique et l’accès aux « œuvres capitales de l’humanité ». 24 En ligne : http://flaubert.univ-rouen.fr/etudes/education/es_pel.php. Le roman attira tout de suite le mépris de la presse gouvernementale et conservatrice, et cela précisément par son côté politique. Le 15 septembre 1840, vers six heures du matin, la Ville−de−Montereau , près de partir, fumait à gros tourbillons devant le quai Saint−Bernard. 2 Par le nom collectif d’« école de Cambridge », on fait normalement référence aux historiens anglais Quentin Skinner et John G.A. […] Je me propose, du reste, de l'arranger dans mon roman, quand j'en serai à la Réaction qui a suivi les Journées de juin. Sur son chemin, il rencontre le grand amour et les contingences du plaisir, la Révolution et ses faux apôtres, l'art, la puissance de l'argent et de la bêtise, la réversibilité des croyances, l'amitié fraternelle et la fatalité des trahisons, sans parvenir à s'engager pour une autre cause que celle de suivre la perte de ses illusions. Commentaire Léducation spartiate lagôge et la cryptie Commentaire historique L'éducation spartiate l'agôge et la cryptie Travail personnel. 1975). » Pour en finir une fois pour toutes, rappelle Caussidière, certains proposèrent de faire sauter le faubourg Saint-Antoine : « Il fallait, disaient les plus exaltés, détruire cet arrondissement pour sauver les onze autres44.