Il est clair que, s'il n'en fit pas partie, c'est d'aussi près que possible, c'est-à-dire d'assez près pour que Bataille le tînt scrupuleusement informé de ce qui s'y passait, de ce qui s'y jouait[147]. » C'est d'ailleurs à Orléans que certains de ses livres « les plus lourds, les plus pénibles - et les plus “scandaleux” » ont été écrits : Histoire de l'érotisme, La Souveraineté, « textes où la dimension tragique et éveillante de la mort est la plus considérable »[248], mais aussi Ma mère. » Avec Freud, Bataille voit dans le sacré « l'intouchable, ce qui est frappé d'interdit, parce que trop bas ou trop haut ». En 1937, il s'était montré violemment antirépublicain, très hostile à Léon Blum et à la politique d'aide aux « rouges » espagnols[215]. Comme la mystique, la débauche le met à nu[323]. Il coïncide avec le moment où Le Surréalisme au service de la révolution publie son dernier numéro le 15 mai 1933, et où les surréalistes n'ont plus d'organe où s'exprimer. ». Il est nécessaire de produire et de manger : beaucoup de choses sont nécessaires qui ne sont encore rien et il en est également ainsi de l’agitation politique. Il écrit : « Il y a plus de douze ans aujourd'hui que la caverne de Lascaux fut découverte, dans le mois de septembre 1940. Après avoir vainement tenté d'intéresser Queneau[284], il reprend le sujet vingt ans après, avec un projet intitulé La Bouteille à la mer ou Histoire universelle des origines à nos jours avant un éventuel désastre. 5- L'avenir mouvant et destructeur de limites contre la volonté d'immobilité du passé. Cette déclaration n'est pas la présentation de la revue Acéphale, mais celle de la société secrète homonyme dont Acéphale (revue) est le versant profane (exotérique), voire le prétexte, comme l'écrit Surya [149]. En 1929, dans le Second manifeste du surréalisme, Bataille est violemment pris à partie par Breton tout comme Vitrac, Masson, Desnos et l’ensemble du « groupe Bataille »[67], qui réplique en 1930 par un pamphlet très virulent intitulé Un Cadavre[68]. Georges BATAILLE (1 livres audio) Georges Bataille (1897-1962) est le fondateur de plusieurs revues et l'auteur d'une œuvre abondante et diverse, poèmes, récits… dont Le Bleu du ciel en 1957. Le différend entre les deux hommes ne s’estompa jamais complètement bien que, par la suite, Sartre se fut montré plus attentif aux propos de Bataille, et plus amical[194]. On dit souvent d'un mouvement qu'il est « dans l'air », et il est vrai qu'il en est ainsi de celui-ci. La pensée politique de Bataille regroupe un ensemble de positions qui ont été mal interprétées par son entourage, lui ont valu des accusations de toute sorte et un éloignement de la part d'un certain nombre d'amis : Michel Leiris, Roger Caillois, Klossowski et Raymond Queneau prennent quelque distance par rapport à lui à partir de 1937, même s'ils restent très liés. Il n'y rattache aucunement la corrida au culte du taureau, mais fait un rapprochement entre le soleil, Mithra et Prométhée : « Mythologiquement, le soleil regardé s’identifie avec un homme qui égorge un taureau (Mithra), avec un vautour qui mange le foie (Prométhée) ; celui qui regarde avec le taureau égorgé ou avec le foie mangé. L'attente est attente de la mort, ou attente de la fin de la guerre. La haine de l'homosexualité de Bataille n'est pas nouvelle. Qu'y a-t-il de commun entre nous? » Bataille s'ennuie. Dans la dernière scène a lieu dans l'église de l'hôpital Santa Caridad de Séville, sous deux tableaux de Juan de Valdés Leal représentant des cadavres en décomposition. « L'effort désespéré de Bataille consista à restituer à ce besoin un sacré au moins aussi grand et aussi séduisant et qui ne trichât pas (qui n'eût pas pour fins d'assrvir et terrifier)[351]. Blanchot a-t-il sauvé Bataille comme Klossowski voudrait qu'on le croie [...][204]. Il est temps d’abandonner le monde des civilisés et sa lumière. « À la campagne comme à la ville [...] , il était invariablement vêtu d'un veston ou d'une jaquette serrée à la taille, d'un pantalon de couleur claire, et il se coiffait d'un chapeau très élevé à bords plats[254] ». Le père, incapable de se déplacer, a été laissé sur place, confié aux soins ponctuels d'une femme de ménage[19]. Les années passent : les gens continuent de vivre dans l’illusion qu’ils pourront un jour parler de Bataille... Ils mourront sans oser, dans le souci extrême où ils sont de leur réputation, affronter ce taureau, « après toutefois celles parues en Angleterre d’, « qui a le mérite d'indiquer en noir sur blanc le ressort de l'histoire : satisfaire le désir, ne soit plus éclairé par le mot « œil » comme par un louche fanal, « devait contribuer beaucoup à la renommée de Bataille au Japon, « un usage, extrême, excessif, excédant, de la littérature, « plus souvent cité que réellement lu, cet auteur exigeant, peut-être même intimidant, semble de nos jours encore confiné dans une marge dont certains craignent de ne pas avoir la clé, quand d’autres pensent lui être fidèles en le réduisant à des provocations puériles, Collectif Gilles Ernst et Jean-François Louette (, Contenant « La valeur d’usage de l’impossible », texte d'introduction à la réimpression en fac-similé de, Collectif Dominique Lecoq et Jean-Luc Lory (, Première édition, Paris, éditions Séguier, 1987 ; seconde édition revue et augmentée, Paris, Gallimard, 1992 ; réédition sans changement dans la collection « Tel », sauf mise à jour de la bibliographie, et retrait de la chronologie et du cahier iconographique, l'ouvrage écrit pendant la Seconde Guerre mondiale, terminé en 1944, s'accompagne d'une post-face intitulée, orthographié Ivan Goll par Maurice Nadeau. Car enfin M. Bataille écrit, il occupe un poste à la Bibliothèque Nationale, il lit, il fait l'amour, il mange, « Le reste est l'affaire de la psychanalyse », « La critique [...] au seul nom de Bataille s’intimide. Puis en janvier 1957, par le biais de Dionys Mascolo, il propose un ensemble d'articles sur la littérature qu'il avait d'abord publiés pour une grande partie dans Critique, entre 1946 et 1952, et qui sont réunis sous le titre La Littérature et le mal. 7- L'inexorable cruauté de la nature contre l'image avilissante du dieu bon. La première attaque est lancée dans un tract du 1er mai 1943 intitulé Nom de Dieu !, destiné à ridiculiser Bataille par des membres du groupe surréaliste La Main à plume qui l'affublent du titre de « Monsieur le Curé », ou encore le « chanoine Bataille ». Elle n'a duré qu'une année, le collège deux années, la revue Acéphale deux ans. Plus du tout défense des démocraties[342]. En 1936, Bataille écrit dans « La conjuration sacrée » : « Ce que nous avons entrepris ne doit être confondu avec rien d’autre, ne peut pas être limité à l’expression d’une pensée et encore moins à ce qui est justement considéré comme art. L'aspect obsessionnel de ses écrits inquiète le docteur Camille Dausse[note 4], qui suggère à l'écrivain une psychanalyse auprès du docteur Adrien Borel, psychiatre qui a fondé la Société psychanalytique de Paris et qui reçoit de nombreux artistes parmi lesquels Raymond Queneau, Colette Peignot, Michel Leiris. À partir de là, Bataille abandonne l’ethnologie et la politique pour se consacrer davantage à l’économie, dans une approche anthropologique, ce qu'il nomme « l'économie générale », avec le projet sous-jacent, qu'il caressa toute sa vie, d'écrire une histoire universelle. D'autres articles plus violents vont suivre, déplaçant les critères de beauté et de goût vers ceux du désir et de l'intensité, notamment « Le gros orteil », paru dans le numéro 6 de Documents, qui excite « la rage de voir » la vie humaine dans « un mouvement de va-et-vient de l'ordure à l'idéal et de l'idéal à l'ordure » : « Le sens de cet article repose dans une insistance à mettre en cause directement et explicitement ce qui séduit, sans tenir compte de la cuisine poétique, qui n'est en définitive qu'un détournement (la plupart des êtres humains sont naturellement débiles et ne peuvent s'abandonner à leurs instincts que dans la pénombre poétique). L'article « Informe » (Documents, no 7, décembre 1929), un des plus courts de la revue, en est la « véritable clé de voûte », car Bataille y « expose de manière presque théorique, mais aussi ludique, le point nodal de la critique des “formes” culturelles de signification, et éclaire de façon générale les enjeux esthétiques »[90] de sa pensée : « un dictionnaire, écrit-il, commencerait à partir du moment où il ne donnerait plus le sens mais les besognes des mots. Trois années qu'ils ont vécues ensemble[178]. Déstabilisé, Georges, qui a déjà un penchant pour les femmes[24], écrit à sa cousine Marie-Louise Bataille le 9 août 1919 : « Je ne sais plus ce qu'il m'arrivera à travers la tête car il y a déjà longtemps que ma pauvre tête porte je ne sais quoi qui la promet à toutes les aventures[25]. Le 10 mai 1960, sa fille aînée, Laurence Bataille[note 46], est arrêtée pour son aide au Front de Libération National (FLN) algérien, ce qui ajoute encore aux difficultés du père ; elle est libérée en juillet. Un des articles les plus véhéments, intitulé « Figure humaine »[80], raille les notions de forme et de ressemblance, qui gouvernent les canons de l'esthétique traditionnelle, établissant une esthétique paradoxale fondée sur ce que Georges Didi-Huberman a nommé « la ressemblance informe » ; « une contre-histoire de l'art » qui, dans « son rapport aux images », « son savoir des images », « son jeu avec les images » met en œuvre une « critique de toute substantialité de l'image »[81]. Yoshikazu Nakaji précise : « la réception scientifique de Bataille au Japon est récente : son œuvre est entrée dans la phase d'une vraie recherche qui, sans nier toute charge émotive, s'assigne pour but de cerner patiemment le fondement et la portée de cette pensée sans pareille. Parmi les témoins cités se trouvaient Cocteau, Breton, et Paulhan. Et le nom d'une société secrète. D'autant plus qu'il s'est évertué à brouiller les pistes, ainsi qu'il le déclare lui-même dans son dernier entretien, accordé à Madeleine Chapsal en mars 1961 : « Je dirais volontiers que ce dont je suis le plus fier, c'est d'avoir brouillé les cartes [...], c'est-à-dire d'avoir associé la façon de rire la plus turbulente et la plus choquante, la plus scandaleuse, avec l'esprit religieux le plus profond »[3]. La mystique de Bataille est une posture, une manière de se représenter en tant « qu'écrivain poussé par Dieu[367] ». La volupté extrême de mes souvenirs me poussa à me rendre dans cette chambre orgiaque pour m'y branler amoureusement en regardant le cadavre[61] ». Bataille y publie de très nombreux articles dont certains sont ensuite rassemblés, remaniés ou augmentés, dans des essais à part entière. Le groupe a en outre sa permanence au Bureau des recherches surréalistes, 15 rue de Grenelle, et à partir du premier décembre, son organe : La Révolution surréaliste[38].